DOCUMENTATION AUTOROUTES

 

Rapport Cour des Comptes 1999

 

Sources :

1. Canard Enchaîné  Juin 99

" LA COUR DES COMPTES DECLARE LA GUERRE A L’EPIDEMIE D’AUTOROUTES " Ardoises de 240 MdF, concessions indéfiniment extensibles : les sociétés vivent au-dessus de leurs moyens. Avec la bénédiction des élus et de l’Etat.

2. Le Monde  25/06/99 -

" LA COUR DES COMPTES TOURNE LA PAGE DE LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANCAISE " Dans un rapport publié Jeudi 24 Juin, la haute juridiction entrevoit le spectre d ‘une " crise financière " liée à l’endettement vertigineux des sociétés concessionnaires. Elle conseille au gouvernement de mener à bien la réforme profonde préparée par le Ministère des Transports.

3. La Tribune Desfossés  25/06/99

" LA COUR DES COMPTES VEUT UN PLAN AUTOROUTIER RALENTI " La réforme du système autoroutier français préparée par le gouvernement n’écarte pas entièrement le risque d’une crise financière, estime la Cour des Comptes. Celle-ci se prononce contre le financement par le budget des sections non rentables.

 

Extraits.

  1. C’est le quatrième rapport du genre depuis 1986 que la Cour des Comptes consacre à la trop faible rentabilité des récentes autoroutes françaises. Durant 20 ans, deux services des Finances, le Trésor et la Prévision, ont multiplié les mises en garde. Imperturbable, la toute puissante Direction des routes du Ministère des Transports, forte des bons résultats financiers obtenus sur les grands axes Paris-Lyon-Marseille, Paris-Chartres, Paris-Bordeaux, a continué à lancer des programmes d’une folle ambition. A coups d’arguments fallacieux sur les " fluctuations conjoncturelles " normales des sociétés autoroutières.
  2. RENTABILITE. Avec 4500 véhicules / jour, les SEMCA ne perdent pas un centime. Avec 20 000 v / j elles commencent à rembourser les emprunts. Or, " la majeure partie des sections mises en service entre 1974 et 1994, couvrent uniquement leurs frais d’exploitation ".
  3. LE FINANCEMENT. Le niveau d’autofinancement des SEMCA est proche de zéro. Alors, elles empruntent avec la garantie de l’Etat entre 15 et 20 MdF par an. Soit 20 fois le montant de leurs fonds propres et 100 fois leur capital social. La Cour des Comptes est très critique pour ces " structures financières hors normes ".
  4. LA REFORME  -  " Tel qu’il est pratiqué, le système autoroutier français a vécu. " Extrait de la conclusion du rapport. Celui-ci "  La politique autoroutière française " souligne bien le tournant historique qui se négocie laborieusement et devrait se traduire au niveau du ministère des Transports par une réforme en profondeur. La Cour admet que ses arguments ont déjà été pris en compte . Le gouvernement a prévu une réforme, actuellement en cours de négociation à Bruxelles, qui devrait à assainir la situation et à empêcher qu’elle s’aggrave. Elle prévoit : suppression de la garantie de l’Etat - allongement de la durée de la concession jusqu’en 2040 - les SEMCA seraient soumises au régime de la TVA et se feraient rembourser les taxes sur les travaux routiers - suppression de la pratique de l’adossement. L’allongement de la durée des concessions doit être approuvé par la CEE ; un allongement moindre que prévu " aurait des répercussions financières sensibles ".
  5. LES CONSEQUENCES DE LA REFORME . Lourdes pour le budget de l’Etat, puisque celui-ci devrait subventionner les tronçons autoroutiers peu rentables. S’il " choisit désormais de construire de nouvelles autoroutes non rentables, il devra assurer une part importante de leur financement par des subventions d’un montant élevé, qui grèveront le budget du Ministère de l’Equipement et risquent de compromettre la priorité affichée " c’est - à dire, l’entretien du réseau routier gratuit. Les magistrats de la Cour ont déjà relevé la baisse des dépenses d’entretien des routes et des crédits consacrés à la prévention routière.
  6. Le problème du financement trop indolore en apparence pour être sans danger, est au cœur du débat. Pour construire et exploiter la plupart de ces autoroutes, les principes cumulés de la " concession " à des sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes (SEMCA) et de l’adossement - faire construire chaque nouveau tronçon par la SEMCA concessionnaire du réseau voisin qui remboursera ses emprunts avec les péages sur les sections amorties et dont la concession est prolongée - ont été mis en œuvre avec un systématisme tel que les dérives et les risques, signalés dès le début des années 1980 par la Cour des Comptes, n’ont fait que s’accentuer. Les sociétés d’économie mixte " largement fictives " , caractérisées par " l’insuffisance de leurs fonds propres " et la " faiblesse de leur autonomie de gestion ", échappent selon la Cour aux " modes de régulation du marché " et s’affranchissent des normes comptables par " un report du retour à l’équilibre à une échéance sans cesse repoussée ". En effet, depuis 1987, les contrats de concession ne prévoient plus le remboursement anticipé des frais financiers (70 MdF sur 202 MdF) ; de plus une partie des déficits d’exploitation sont reportés à la dernière année de la concession. A charge de l’Etat de combler le trou dans 10, 20 ou 30 ans. Une sorte de déresponsabilisation serait devenue la règle. D’après les experts de la Cour, l’endettement des SEMCA continuera à croître. Seul l’allongement de la durée de concession permet au système de se maintenir en vie. Pour le plus grand profit des patrons de sociétés - en général d’anciens préfets de région qui découvrent enfin l’aisance financière. .
  7. Après l’achèvement des grands axes et des principales radiales, on a en effet construit - sous la pression des élus régionaux et locaux, souvent, et du fort lobby de la route, toujours - des autoroutes de plus en plus belles et bien intégrées au paysage, mais de plus en plus coûteuses : pour les 2x2 voies interurbaines, on est passé de 33 MF / km (1984 - 1994) à 46 MF / km (1995 - 1999). Ces nouvelles infrastructures sont surtout " de moins en moins rentables ". L’endettement des sociétés autoroutières est devenu vertigineux : 130 MdF en capital mais, 200 à 240 MdF, intérêts prévisionnels compris, selon que l’on prend en compte les charges différées (report partiel des déficits d’exploitation) en fin de concession. Du coup, le remboursement des dettes contractées par l’ensemble des huit SEMCA réparties sur le territoire - la seule prospère était Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc, avant l’incendie du 24 Mars - " repose sur des hypothèses fragiles, dont la confirmation est d’autant plus aléatoire qu’elle est éloignée dans le temps ".La Cour  entrevoit même le spectre d’une " crise financière ".
  8. Les magistrats de la Cour des Comptes jugent urgent de " définir et de mettre en œuvre une politique d’ensemble des transports fondée sur une réflexion intermodale, reconnue par des textes déjà anciens, notamment la LOTI (loi d’orientation des transports intérieurs, imaginée par Charles Fiterman en 1982) ". Le recours à d’autres modes de transports que la route doit être inscrit dans les actes sans tarder ; principalement au ferroviaire, via le ferroutage ou le transport combiné, dont la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc a mis en évidence l’absolue nécessité.
  9. La directive européenne que la France a mis 10 ans pour se décider à appliquer, rend obligatoire ma mise en concurrence et donc interdit la pratique de l’adossement. Les candidats pour construire et exploiter de nouvelles autoroutes ne se bousculeront pas. Sauf à dégager des moyens budgétaires aussi colossaux qu’improbables, il faudra " lever le pied ", concevoir des infrastructures moins coûteuses mais plus positives en matière d’emplois et d’aménagement du territoire.
  10. Il faudra revoir à la baisse un schéma directeur ambitieux dont le " plan Balladur " de 1993, faisant fi des mises ne garde de la Cour des Comptes, avait voulu accélérer la réalisation en 10 ans au lieu de 15.Dans cette fuite ne avant, l’évaluation et la prise en compte des coûts externes du transport routier - indispensables pour établir les conditions réelles d’une concurrence entre modes de transports - étaient négligées.
  11. RECOMMANDATIONS . Plus de transparence - meilleure information du Parlement des mesures d’accompagnement pour réduire les conséquences sur l’environnement - arbitrage d’ensembleau sein du mode routier et entre les différents modes   permettant la mise en oeuvre " d’une politique routière globale (...) fondée sur une approche intermodale et une logique de service aux usagers ", plutôt que sur une offre d’infrastructures -  abandon de certains projets : " limiter l’accroissement du fret routier dans les zones les plus sensibles comme les Alpes ou les Pyrénées " - " respecter les engagements de la France pour un développement durable " - " faire en sorte que le choix d’investissements ne soient plus principalement déterminés par les conditions de financement " - se déterminer principalement selon " l’appréciation de l’optimum collectif ".